• Les Bijoux... superbe.




    La trés-chère était nue, et connaissant mon coeur,
    Elle n'avait gardé que ses bijoux sonores
    Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur
    Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.

    Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
    Ce monde rayonnant de métal et de pierre
    Me ravit en extase, et j'aime à la fureur
    Les choses où le son se mêle à la lumière.

    Elle était donc couchée et se laissait aimer,
    Et du haut du divan elle souriait d'aise
    A mon amour profond et doux comme la mer,
    Qui vers elle montait comme vers sa falaise.

    Les yeux fixés sur moi, comme un tigre dompté,
    D'un air vague et rêveur elle essayait des poses.
    Et la candeur unie à la lubricité
    Donnait un charme neuf à ses métamorphoses.

    Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
    Polis comme de l'huile, onduleux comme un cygne,
    Passaient devant mes yeux claivoyants et sereins;
    Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vignes.

    S'avancaient, plus calins que les Anges du mal,
    Pour troubler le repos où mon âme était mise,
    Et pour la déranger du rocher de cristal
    Où calme et solitaire, elle s'était assise.

    Je croyais voir unis pour un nouveau dessin
    Les hanches de l'Antiope au buste d'un imberbe,
    Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
    Sur ce teint fauve et brun le fard était superbe!

    ...Et la lampe s'étant résignée à mourir,
    Comme le foyer seul illuminait la chambre,
    Chaque fois qu'il poussait un flamboyant soupir,
    Il inondait de sang cette peau couleur d'ambre!




    Charles Baudelaire.

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